Qu’est-ce qu’une marque de luxe ?
C'est un positionnement que nous voyons régulièrement. Celui d'associer les surcoûts d'une fabrication française et une production artisanale à une marque de luxe. Mais suffit-il de se dire "marque de luxe" pour en être une ? Comment devient-on une marque de luxe ?

Le luxe entre sa définition et le marketing
D’un point de vue du champ lexical, le luxe qualifie un bien ou un service coûteux. Etymologiquement, il dérive du latin luxus qui signifie « excès, faste » mais aussi de lux « la lumière, l’éclat » .
D’un point de vue marketing, le luxe se définit par trois caractéristiques : la rareté ; l’excellence (la qualité) ; le prix. Ainsi, il n’est pas rare de voir des artisans parler de leurs produits comme des biens de luxe car ils sont produits en petite série, voire uniquement à la commande, leur savoir est reconnu par le titre d’artisan ou artisan d’art et enfin les prix s’envolent. Toutefois peuvent-ils vraiment se positionner comme marque de luxe ?
Le luxe appartient au luxe
Le luxe est aussi intimement lié à la désirabilité, laquelle n’est pas seulement le fait de sa rareté. Qu’est-ce qui rend désirable un produit ? Qu’est-ce qui crée cette envie ? L’idée d’appartenir à une caste, une élite, de sortir de la masse.
Or pour moi, une marque de luxe ne peut naître que du luxe. Des hautes sphères, celles inaccessibles au commun du mortel. Ainsi le créateur, l’ambassadeur de la marque du luxe, doit déjà appartenir au monde du luxe.
Prenons l’exemple de The Row la marque des soeurs Olsen, stars des séries tv dans les années 2000. Leur marque est réputée pour sa sobriété maximale et ses détails soignés. Autrement dit, la marque ne se distingue pas avec un logo (comme le double C de Chanel) ou une matière particulière (comme les cuirs Louis Vuitton). Une femme habillée en The Row ne se voit que parce que les autres femmes reconnaissent la marque. Ainsi The Row cultive cet entre-soi si caractéristique des castes sociales. Et pourtant les vêtements sont, pour la plupart, fabriqués en Italie où le coût du travail est plus faible qu’en France.
Concernant les marques de luxe françaises emblématiques, certaines se sont ouvertes au grand public. Chanel et LVMH sont devenus relativement bling-bling avec leur logo en grand format et exposé de partout. Il y a encore quelques années, Chanel se reconnaissait par ses jeux de couleurs et la maille de ses tailleurs. D’ailleurs la marque de chaussures Jonak vient d’être condamnée, après deux ans de bataille judiciaire, à cesser la fabrication et à retirer de la vente toutes ses paires de Dhapop, jugées trop proche des sandales slingbacks de Chanel.
Hermès, par contre, continue de cultiver sa rareté et sa discrétion. Pour avoir le sac Birkin, il faut toujours s’inscrire sur liste d’attente et patienter jusqu’à deux ans pour l’avoir entre les mains. Ce sac à main est iconique car sa co-créatrice Jane Birkin était et est iconique.
Est-ce qu'en étant identifiée comme une marque de luxe, le succès est assuré ?
Pas si sûre !
Si nous prenons, l’exemple de Victoria Beckam Ltd en tant que styliste (et non chanteuse des Spice Girls), bien qu’elle fasse partie du monde de la jet-set, étant invitée au mariage princier, il lui a fallu du temps pour être prise au sérieuse dans le monde de la haute-couture et d’être adoubée par Anna Wintour, la rédactrice en chef du Vogue USA. Ce personnage a d’ailleurs inspiré le personnage de Miranda dans le Diable s’habille en Prada.
Même une fois ses preuves faites, sa marque de mode a frôlé la faillite plus d’une fois. Créée en 2008, elle ne devient bénéficiaire qu’en 2023 soit après 15 années d’existence. Pendant 15 ans, elle a donc dû renflouer les caisses pour continuer de faire vivre sa marque. Qui peut, pendant 15 ans, apporter des dizaines de millions d’euros pour éponger les dettes ?
Cette nouvelle performance est attribuée à un changement de stratégie entamé en 2018 après un audit dont les conclusions plaçaient l’entreprise en faillite. Depuis la marque a lancé une gamme de maroquinerie (notamment les ceintures) et de maquillage. Aujourd’hui, son équipe poursuit sa tentative de construire une identité et une rentabilité autour de la marque “Maison VB”.
En conclusion, même en faisant partie de ce monde de privilégiés, vouloir une marque de luxe et la faire prospérer est loin d’être une évidence. Alors même que leurs moyens, pour la mettre en valeur et la faire connaître, semblent illimités. D’autant plus que la marque profite de l’aura de son ou sa créatrice déjà connu du grand public et faisant partie des sphères opulentes.
Alors pour des nouveaux créateurs français, qui n’ont pas des moyens marketing illimités, se positionner comme marque de luxe ne garantit en rien de percer, ni d’être rentable.

Contenu rédigé par Élodie Lapierre
Depuis plus de 10 ans, je suis chargée d’études en santé environnementale. J'ai toujours à coeur d’informer et sensibiliser les individus, afin qu’ils soient des consommateurs avertis et aguerris.Le site Marques de France est géré en toute indépendance et n’appartient à aucune entreprise privée. Toutes les recherches effectuées et tous les contenus rédigés répondent à un unique objectif : promouvoir les marques qui contribuent à l'économie française.