Un parfum de Provence : à la découverte de l’usine historique de Fragonard à Grasse

Grasse, capitale mondiale du Parfum

Grasse accueille deux des quatre écoles de parfumerie existantes. Elle doit son essor au tannage.

Au moyen-âge, sa position géographique lui donne des atouts inégalables : un ensoleillement constant, des nuits douces et des courants d’eau abondants, propices à la culture des fleurs et au travail du cuir. De plus sa proximité avec l’Italie va être déterminante dans l’association du cuir et du parfum.

Ainsi de nombreuses tanneries se développent et prospèrent : « Le cuir de Grasse est célèbre pour sa qualité et sa couleur verdâtre obtenue par macération dans le myrte ». Toutefois, cette activité est également synonyme d’odeurs pestilentiels. La ville s’embaume alors pour masquer les odeurs des tanneries et l’insalubrité de ses ruelles.

La mode des gants en cuir parfumés arrive d’Italie et se déploie dans le bassin Méditerranéen, offrant une renommée mondiale aux maîtres Gantiers Parfumeurs de Grasse.

De Parfumeur à Nez

La formation pour devenir Parfumeur est longue et fastidieuse. Un parcours orienté chimie, avec trois années d’apprentissage théorique qui permet à chaque élève de reconnaître environ 300 odeurs différentes. Suivi de sept années de pratique où il faudra être capable d’identifier plus de 3.000 substances chimiques différentes.

Une fois diplômé, le Parfumeur peut travailler dans de très nombreux secteurs. Les principales industries sont l’agro-alimentaire, afin d’accorder le plaisir gustatif au plaisir olfactif, les cosmétiques pour avoir des fragrances agréables à porter sur la peau et, parfois, pour en masquer certaines, comme l’Argan pure qui a une odeur très forte et plutôt désagréable. Les débouchés du Parfumeur concernent également le marketing olfactif avec pour mission de donner une identité odorante à une marque.

La consécration, qui délivre le titre de « Nez », n’arrive que lorsque le Parfumeur développe et commercialise avec succès un nouveau parfum. Ils ne sont qu’une poignée dans le monde, une centaine à pouvoir revendiquer ce prestigieux titre. Ils sont alors, soit rattachés à une Maison de Luxe, soit indépendants et travaillent pour plusieurs marques en même temps.

La pyramide olfactive : un parfum, trois notes

Un parfum est constitué de trois notes qui constituent la pyramide olfactive :

• la note de tête est la première, elle se dévoile tout de suite. Il faut la laisser s’évaporer pour sentir les autres (gardez votre papier-test au moins 30 min pour laisser les autres notes arriver).
• la note de cœur est l’odeur caractéristique du parfum, son âme, elle dure plusieurs heures.
• la note de fond est celle qui fixe le parfum sur la peau et peut durer plusieurs jours.

Le parfum et les eaux

La différence entre un parfum, une eau de parfum, de toilette et de Cologne tient à sa concentration en huiles essentielles :

• Le parfum ne contient que des huiles essentielles et de l’alcool, selon le ratio 24% d’huiles essentielles et 76% d’alcool.
• L’eau de parfum, plus légère, est constituée d’eau, d’alcool et de 15% d’huiles essentielles ;
• L’eau de toilette en contient 10% ;
• L’eau de Cologne : 5%.

Le graal : les huiles essentielles

Les huiles essentielles sont l’essence olfactive des végétaux. Délicates à obtenir, elles font très vite grimper le prix des parfums.

L’une des techniques ancestrales et les plus utilisées est la distillation. Les fleurs sont chauffées au bain-marie dans l’Alambic. Puis les molécules chimiques odorantes sont entrainées dans la vapeur d’eau, avant de passer dans un serpentin réfrigéré, qui permet de transformer la vapeur en liquide. Lors de la condensation les gouttelettes se séparent en deux phases distinctes :

• à la surface, hydrophobe, l’huile essentielle
• dans le fond, hydrophile, l’hydrolat.

Néanmoins certaines fleurs sont trop fragiles pour être chauffées. Dans ce cas on peut, soit procéder à la macération des fleurs dans l’alcool, soit utiliser leur équivalent synthétique.

Une technique ancestrale, nommée enfleurage, consistait à utiliser de la graisse animale pour extraire les molécules odorantes. Mais cette technique n’est plus utilisée.

Substances naturelles vs substances synthétiques

Fragonard s’approvisionne dans le monde entier pour trouver ses senteurs :

• L’île de la Réunion pour le géranium, le vétiver et la vanille ;
• Les USA pour le magnolia et les aiguilles de pin ;
• la Malaisie pour le patchouli ;
• la Russie pour la coriandre, la sauge sclarée ;
• …
• et bien sûr la Provence pour la lavande, le mimosa, la rose, le chèvrefeuille, les fleurs d’oranger et le jasmin.

La Maison de Parfum privilégie toujours les substances chimiques naturelles.

Toutefois comme certaines fleurs ne résistent pas aux techniques d’extraction, comme le muguet, c’est sa version synthétique qui est utilisée. N’ayez crainte, votre nez ne sentira pas la différence. La chimie permet de calquer parfaitement le vivant. De plus, les odeurs animales, telles que le musc, le castoréum ou hyraceum sont également aujourd’hui toutes d’origine synthétique.

Les senteurs d’un parfum peuvent être regroupées en quatre familles principales : les fruitées, les fleuries, les naturelles et les épicées (ou orientales).

L'usine historique Fragonard

La Maison Fragonard a été fondée en 1926 par Eugène Fuchs, en l’honneur du peintre Jean-Honoré Fragonard né à Grasse. La parfumerie est une entreprise familiale. Les trois arrière-petites-filles du fondateur, Anne, Agnès et Françoise sont actuellement à la tête de la Maison.

Fragonard dispose de trois sites de production dans les Alpes Maritimes. Deux usines à Grasse destinées à la production des parfums, des eaux et des savons. La troisième est située à une soixantaine de kilomètres à Èze, elle est spécialisée dans la fabrication de leur gamme de cosmétiques Vrai.

Spécialiste des parfums, Fragonard a souhaité avec Vrai allier les propriétés cosmétiques des huiles essentielles aux produits de soin pour la peau.

Le site historique que nous avons visité accueille un musée, les opérations de conditionnement des parfums et de fabrication des savons, ainsi qu’une boutique. L’ensemble du parcours est gratuit et la visite des ateliers se fait accompagner d’un.e guide.

Le musée présente une jolie collection de fioles et les instruments de distillation. Toute une partie est consacrée à retracer l’origine des premiers parfums et expliquer le rôle des odeurs dans les sociétés.

L’homme, sur la photo, s’occupe de la mise en forme des savons. Les « oeufs » sont l’un des produits phares de la marque. Les six couleurs représentent les six senteurs caractéristiques de la Provence : mimosa, rose, chèvrefeuille, lavande, fleur d’oranger et jasmin.

Le magasin d'usine

La visite se termine par la boutique où votre guide vous fera découvrir les différentes senteurs.

L’occasion de passer de la théorie à la pratique en découvrant les quatre fragrances principales et de tester la gamme de cosmétiques développée sur le site d’Eze.

N’oubliez pas, de ne pas vous focaliser sur la première odeur, la note de tête, et de garder votre papier-test le temps de déambuler dans la boutique pour sentir la note de coeur et la note de fond.

Je vous partage l’astuce de notre guide, lorsque vous n’arrivez plus à distinguer les parfums parce que vos récepteurs olfactifs sont saturés, il suffit de se sentir.

Plongez votre nez dans votre coude ou dans votre t-shirt et votre odeur agira comme un « reset ».

Enfin peut-être serez-vous étonné.e de ne plus voir de flacons en verre ?

Ils ont été remplacés par des flacons en aluminium rechargeables afin de protéger les parfums de la lumière, car les UV détériorent la couleur et les fragrances.

Un parfum protégé de la lumière garde ses notes intactes pendant 6 années, contre 2 ans en moyenne dans un flacon en verre.