Antoine Fauqueur revient sur l’échec d’Unsibeaupas : “nous étions dans une équation trop compliquée à résoudre”
Le 20 octobre 2023, la marque de chaussures Unsibeaupas annonçait publiquement sa liquidation. Quelques semaines plus tard, alors qu'une procédure de reprise est toujours en cours, Antoine Fauqueur, fondateur de l’entreprise, a accepté de témoigner. Il nous partage les causes d'échec du projet.
Antoine Fauqueur digère encore la liquidation d’Unsibeaupas annoncée par le tribunal de commerce de Salon-de-Provence le 20 octobre dernier mais il l’avait anticipé. “Le choc a été évidemment très dur à encaisser même si j’avais eu le temps de m’y préparer et à l’heure où je vous parle ce travail « de deuil » fait encore son chemin” a-t-il déclaré à travers une publication sur son compte personnel Linkedin.
En apprenant la nouvelle, nous avons forcément était touché puisque sa marque était l’une des toutes premières a être référencées dans notre guide. Nous avons pu suivre de près son évolution au fil des mois car nous avons grandi avec. Contacté par téléphone, Antoine a accepté de nous partager son retour d’expérience sur ses six années d’activité ainsi qu’un éclairage sur le made in France.
L'Italie pour démarrer
Le projet lancé en 2017 avait l’air solide. Après un voyage touristique en Italie où Antoine a pu rencontrer un fabricant de chaussures, il a eu l’idée de lancer Unsibeaupas. Après quelques mois de production réalisée de l’autre côté des Alpes, l’entrepreneur réoriente sa fabrication en France : “avec ce retour, l’objectif était assez clair, je souhaitais aider les artisans dans les ateliers à mettre en valeur leur savoir-faire, en vendant leur production. On a donc commencé le 100% made in France en 2019.”
Un an après la relocalisation de sa production, Antoine Fauqueur fait appel à des actionnaires pour une première grosse levée de fonds. “Cette opération a été une première réussite pour nous puisqu’avec l’aide de 110 actionnaires, ma TPE est parvenue à lever 400 000 euros. J’ai ensuite pu créer une équipe de quatre personnes, puis me concentrer personnellement sur le développement digital et notre page web”, ajoute le fondateur.
2022, une année charnière
Avec l’arrivée de la pandémie en 2020 et 2021, la marque française a dû se démarquer pour faire face à la crise. Avec la réorientation digitale qui s’est avérée être une réussite, la TPE a eu un gros succès dans le domaine des mariages, explique Antoine : “Nous avions beaucoup de commandes liées à ces événements puisque la plupart du temps, la mariée souhaitait un produit unique qu’elle pouvait confectionner elle-même. Et comme le made in France n’attire plus autant aujourd’hui, il a fallu que nous choisissions notre niche, et nous sommes partis dans ce domaine.”
Ce virage a été assez compliqué pour l’entreprise puisqu’en septembre 2022, Unsibeaupas frôle une première fois la liquidation, mais la marque survit notamment grâce à une seconde levée de fonds qui lui permet de récolter 180 000 euros. “Je pense que j’ai commencé à me rendre compte que ça allait être compliqué à ce moment précis. Il faut savoir qu’aujourd’hui, il n’y a pas vraiment d’aide de la part de l’État. Pendant l’été 2022, nous n’avons pas réussi à trouver des financements car nous n’étions ni gros ni petits.”
Un projet d’atelier de fabrication tombé à l’eau
Depuis 2017, Antoine avait toujours fait le choix de faire fabriquer ses produits par des sous-traitants. Détectant le plafond de verre qui empêchait l’évolution sereine de sa marque, il envisageait de créer son propre atelier et de produire ses propres pièces. Il fait de nouveau appel à des investisseurs pour pouvoir le financer. Mais cette troisième levée de fonds n’aboutit pas et la TPE était déjà pratiquement condamnée a cesser son activité.
“En 2023, nous nous sommes retrouvés en cessation de paiement. Nous nous développions, mais pas assez pour combler le manque. Nous étions dans une équation trop compliquée à résoudre. Je pense que l’idée de l’atelier est venue un peu trop tard.” regrette-t-il.
Sa relation avec le made in France
Alors que le procès de reprise est toujours en cours, Antoine espère pouvoir aider les futurs dirigeants d’Unsibeaupas pour les aider à ne pas refaire les mêmes erreurs.
“J’ai passé 6 ans de ma vie à me consacrer à 100 % dans ce projet. Je ne suis pas parvenu à le développer. Si demain une personne reprend mon projet, alors je serai l’un des plus heureux et je l’aiderai sans problème à relancer la machine. Cette expérience a été très enrichissante pour moi. Le monde du made in France est tellement varié. D’un côté, la communauté et les idées sont géniales. Depuis 2017, j’ai pu rencontrer un nombre incalculable de personnes avec des projets tellement originaux. Mais d’un autre côté, la concurrence avec le marché “made in ailleurs” est tellement coriace. En plus, nous ne sommes pas vraiment aidés par l’État, puisque, par exemple, le drapeau tricolore peut être utilisé à n’importe quel moment. Dernièrement, le dirigeant de Blanc Bonnet a fait un post sur LinkedIn où il explique ses problèmes, et je suis totalement d’accord avec lui.”
Pourtant, pour Antoine, le made in France peut avoir un très bel avenir à condition qu’il soit étudié plus en profondeur. De plus en plus de personnes se lancent dans le fabriqué français (comme Noctra au mois de novembre dernier) et certains projets sont inédits. “Si j’ai deux conseils à donner à toutes celles et ceux qui souhaitent se lancer dans l’entreprenariat, ce serait 1. de monter une entreprise en équipe pour ne pas être débordé sur la partie commerciale et la partie production et 2. de trouver rapidement son domaine d’expertise.” À bon entendeur !
Le soulagement
Touché mais soulagé. il travaille désormais avec le tribunal de commerce pour trouver un repreneur intéressé pour relancer l’activité et ses 12 000 clients. Si vous connaissez quelqu’un qui connait quelqu’un qui… vous pouvez contacter Maitre Verrecchia, le mandataire en charge de la liquidation qui s’occupe de récolter les offres. Par email à verrecchia.aix@mj13.fr.
En parallèle, Antoine profite désormais du temps libre qui s’offre à lui. “Il y a une vie après l’échec de son projet. J’ai du temps pour ma famille. J’ai du temps pour moi. J’ai repris le sport à haute dose pour me refaire une santé et m’aérer la tête. Et je dors.”
Contenu rédigé par Baptiste Chuzeville
Fraichement diplômé d’un bachelor Journalisme au sein de l’ISCPA de Lyon, qu’il avait terminé par un stage de 5 mois au sein de notre rédaction, Baptiste s’est dirigé vers un master à l’ISFJ Lyon. Aujourd’hui alternant, il alimente la page magazine du site.