Les consommateurs français sont-ils vraiment prêts à dépenser plus pour acheter du made in France ?
Depuis 2018, de nombreux sondages galvanisent les politiques publiques en indiquant que les consommateurs français sont prêts à payer plus cher un produit made in France. Est-ce réellement le cas ?

Le décalage entre l'envie d'acheter français et l'acte d'achat
Pour nous, c’est une observation récurrente et générale qui a été matérialisée, en partie, par l’article paru dans Les Echos, le 5 août 2021 (l’article ne s’intéresse qu’au secteur agroalimentaire).
En effet, nous observons un paradoxe fort depuis que nous avons lancé Marques de France il y a de deux ans et demi. Le décalage entre le plébiscite que suscite la fabrication française et un passage à l’acte (encore) très timide selon les catégories de produits. Pourtant l’agroalimentaire est le secteur où il est le plus facile d’identifier les produits français et le plus accessible financièrement, d’une part, car l’indication d’origine géographique est obligatoire (contrairement aux produits non alimentaires comme la mode) et, d’autre part, car les prix sont les plus compétitifs (surtout pour des produits de saison et en circuit court).
Or l’article met en exergue :
« Les contradictions des consommateurs sont patentes. Entre 70 % et 80 % d’entre eux se disent « intéressés par le made in France », selon Emmanuel Fournier, directeur du service client chez Nielsen. Le prix ne serait pas un problème, si l’on en juge par les 57 % de personnes qui se disent « prêtes à payer plus cher le made in France ». Mais le prix reste bien le principal déclencheur de l’acte d’achat ».
De plus, le deuxième moteur d’achat est la notoriété de la marque, le désir qu’elle suscite chez les consommateurs. Les produits d’hygiène, de soin et d’entretien, les t-shirts et les baskets made in France ne sont pas systématiquement plus chers que leurs concurrents étrangers brandés. Mais voilà, les Nike et Adidas font toujours partie des 20 marques de mode les plus prisées dans le monde, grâce à l’image publicitaire qu’elles ont réussi à se construire.

Les français sont prêts à dépenser 7€ de plus pour un t-shirt made in France
Le premier sondage à galvaniser les troupes date d’avant la crise de la Covid19. En 2018, un sondage Ifop pour Origine France Garantie interroge la représentation qu’ont les français vis-a-vis de la mention « made in France ». Les résultats sont très encourageants :
- plus de la moitié des interrogés indiquent regarder l’origine de fabrication du produit qu’ils achètent ;
- pour 93% des répondants, la mention « made in France » signifie le maintien des emplois dans l’Hexagone et le soutien des entreprises françaises ;
- pour 92% il s’agit de préserver les savoir-faire nationaux ;
- et plus de trois quarts des répondants s’estiment prêts à dépenser plus pour un produit fabriqué en France.
Puis la pandémie frappe le monde en 2020, le patriotisme économique et l’indépendance industrielle de la France occupent le devant de la scène. Une étude menée par Insign courant 2020 auprès de plus de 1000 personnes, en collaboration avec l’institut de sondage Opinion Way, a eu pour objectif de définir précisément « le dépenser plus ».
Concrètement 70% des personnes interrogées sont prêtes à dépenser 7,60€ de plus pour un t-shirt made in France par rapport à un t-shirt made in China, soit rapporté dans le contexte du sondage à l’achat d’un t-shirt à 27,60€ contre 20€. Pour les personnes avec un revenu inférieur à 9k€ par an, l’augmentation est de 5€.
Or la réalité nous rattrape. Ce n’est pas 7€ de plus en moyenne qu’il faut dépenser pour acquérir un t-shirt made in France mais 15 à 35€ de plus. Les t-shirts H&M sont accessibles dès 4,99€, un t-shirt Nike coûte en moyenne 25€, alors qu’un t-shirt made in France s’affiche à 39€ au plus bas. Autrement dit, il faut accepter d’avoir 1 t-shirt made in France pour près de 2 t-shirts made in Asia d’une marque connue, voire 8 t-shirts dans une enseigne low cost.
Autre enseignement intéressant, cette étude montre que les français sont peu sensibles à l’appellation « made in France » qui manque de sens. Pour 70% des répondants, un label regroupant les 3 étapes importantes : conception, production et assemblage, devrait être baptisé « Produit 100% français » (même si, paradoxalement, l’origine des matières premières n’est pas française).

L'acceptation de payer un prix juste sans avoir de meilleure qualité
Dernier blocage observé, et pas des moindres, concerne la notion de qualité.
À lire certains commentaires négatifs laissés sur notre site, j’observe un schéma de consommateurs déçus que la qualité ne soit pas systématiquement au rendez-vous pour chaque produit de fabrication française acheté. Or il ne faut pas oublier que la qualité n’a rien à voir avec l’origine géographique de production. La qualité est liée à un savoir-faire et au temps humain qui y est consacré. On parle souvent de chinoiserie de manière péjorative, mais les artisans chinois sont capables de tisser des étoffes de soie de très grande qualité par exemple.
La qualité demande du temps, elle requière un travail manuel qu’il convient de rémunérer à sa juste valeur. Un salarié français, même payé au SMIC, coûtera toujours plus cher qu’un salarié portugais, italien, polonais ou roumain et nous ne parlons pas des ouvriers bangladais.
Pour être encore plus précis, prenons l’exemple de la marque Eminence, un fabricant français de sous-vêtements depuis 1937. La marque possède plusieurs lignes de production, en France, en Tunisie et une dernière en Asie. L’engouement suscité par le made in France leur permet de recruter de nouvelles personnes sur leur site du Gard, à Aimargues (et c’est une excellent nouvelle !). Par contre, si vous pensez que les sous-vêtements qui sortent de l’atelier du Sud de la France seront d’une qualité inégalée, au regard des sous-vêtements fabriqués dans leurs deux autres usines, vous risquez d’être déçu.e, car les cahiers des charges de la marque visent, au final, les mêmes critères (à quelques détails près).
Alors pourquoi accepter de payer un boxer 4 fois plus cher s’il est de fabrication française comparé à son modèle asiatique ? Au delà de la notion de qualité, la fabrication française soutient les emplois locaux et notre système social ! Bien qu’il soit loin d’être parfait, notre modèle : l’accès aux soins pour tous, l’accès à l’éducation, aux transports et autres installations publiques… repose sur le tissu économique local (industriel et artisanal).


Contenu rédigé par Élodie Lapierre
Depuis plus de 10 ans, je suis chargée d’études en santé environnementale. J'ai toujours à coeur d’informer et sensibiliser les individus, afin qu’ils soient des consommateurs avertis et aguerris.Le site Marques de France est géré en toute indépendance et n’appartient à aucune entreprise privée. Toutes les recherches effectuées et tous les contenus rédigés répondent à un unique objectif : promouvoir les marques qui contribuent à l'économie française.
Cela me semble tomber sous le sens. Depuis quelques années j’ai moi-même commencé à faire attention d’acheter Français si possible. Pas forcément pour avoir une meilleure qualité mais tout simplement parce que ce petit acte aide à soutenir l’industrie du pays et évite d’importer des produits venant de l’autre bout de la planète, un système qui va devenir de plus en plus problématique dans le futur.
A l’échelle individuelle c’est assez insignifiant, certes, mais si des milliers et milliers de Français se mettent à faire cet effort et à adopter cette habitude, ça finit par créer une réelle différence.