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Le potentiel industriel de 1083, l’histoire d’une marque de jeans confectionnés en France

S’il y a bien une marque qui n’a pas changé de cap depuis sa création, c’est 1083 ! Lundi 4 avril dernier, nous nous sommes rendus à Romans-sur-Isère, où tout a commencé, pour connaître les causes de son succès et en savoir davantage sur les projets qu'elle prépare. Innovation, transparence, valeurs, positionnement... Thomas Huriez, son créateur, nous a chaleureusement accueilli et a accepté de répondre à toutes nos questions. Rencontre.

1083 - Élodie Lapierre et Thomas Huriez
Élodie Lapierre (co-fondatrice de Marques de France) et Thomas Huriez (fondateur de 1083) lors du tournage d'un reportage sur les jeans 1083, à Romans-sur-Isère (crédits photo : Marques de France)
Par Élodie Lapierre. Publié le 25 avril 2022. Dernières modifications le 30 décembre 2023. Publier un commentaire.

Après le soutien-gorge, le jeans est le deuxième vêtement le plus complexe à réaliser !

Avant de partir à sa rencontre, nous pensions bien connaître la marque «à la borne kilométrique» 1083. Depuis près de 10 ans, elle fait partie du paysage médiatique des acteurs du made in France. Pourtant, elle n’est pas seulement une «marque-distributeur*», dès sa création elle a rapidement ouvert son premier atelier dans son berceau historique de Romans-sur-Isère.

Si on ne devait retenir qu’un seul mot de notre visite, ce serait «pragmatisme». Toute leur démarche, leur façon de faire est pensée pour être pragmatique. Afin d’offrir un produit de qualité, dont on se porte garant de la conception au service après-vente, il était vital, pour Thomas Huriez, son fondateur, de parfaitement le comprendre, d’apprendre comment fonctionne chaque étape de production. Pragmatique encore, car il n’est pas question d’internaliser toutes les étapes. Les expérimenter pour les améliorer, voire innover, toujours ! Par contre, il n’a jamais été envisagé de travailler en exclusivité (dans le secret) et de créer une dépendance. Ainsi quoi qu’il arrive à 1083 (et souhaitons-leur encore de très belles années), tous les ouvriers formés et les ateliers internalisés ou partenaires pourront se déporter vers d’autres marques. Concrètement cela se traduit, par exemple, par une confection de jeans réalisée au sein de plusieurs ateliers : deux appartenant à 1803 (Romans sur Isère et Rupt sur Moselle) et quatre ateliers partenaires (Bobigny, Marseille, Paulhac et Montceau les Mines).

Atelier 1083 - Élodie Lapierre et Thomas Huriez

Une fabrication guidée par le sens

Si à travers cet article, nous vous donnons envie d’aller les voir, sachez que l’Office du Tourisme de Romans organise des visites guidées ! Chez 1083, ils sont convaincus que la coopération et la transparence sont le modèle économique de demain. Alors ils vous ouvriront leurs portes, vous parlerons de leurs partenaires et de leurs collaborations.

Plutôt que d’acheter un jeans, vous pouvez le façonner vous-même ! Tous les patrons de leurs modèles de jeans sont accessibles. Vous pourrez alors vous rendre compte à quel point c’est une pièce, certes incontournable du dressing masculin et féminin, mais également très complexe à réaliser (les patrons sont dans le livre L’atelier du jeans, Sophie Valantoine x 1083, aux Editions Eyrolles 2021).

Tout au long de l’article, plutôt que de ramener 1083 à son fondateur, je parlerai d’une entreprise, d’une équipe et de talents. Je finis tout de même par lui piquer une petite phrase. Il aime parler de 1083 comme «start-up ouvrière», car la très grande majorité des effectifs sont des ouvriers et ouvrières. Ceux sont eux qui détiennent ce savoir-faire délicat. D’ailleurs pour valoriser leur métier et séduire des jeunes et des personnes en reconversion professionnelle, 1083 a ouvert «L’école du jeans» avec autour de la table Pôle Emploi et leur Organisme de formation professionnelle Opcalia.  Alors même s’ils ne lèvent pas de fonds comme une start-up, leur croissance constante, alimentée par leurs fonds propres, est un bel exemple de réussite.

*Une marque distributeur est une marque qui ne possède aucun atelier de confection à soi et donc délègue à des façonniers.  

Atelier 1083 de Romans-sur-Isère - Machine à coudre
Une machine à coudre de l'atelier 1083 de Romans-sur-Isère (Crédits photo : Marques de France).

Le jeans éthique est lancé

Avant 1083, nous devons parler de la 1ère boutique en physique Modetic. Une boutique de vêtements dédiée à la slow fashion, alors qu’en 2007, ce n’est pas encore le sujet marquant, ni même celui du retour du made in France.

Des vêtements éthiques se sont des vêtements produits dans le respect des Hommes et l’environnement. Alors autant passer des actes à la parole et 1083 naît en 2014 pour être une «marque fabricant». Thomas porte son dévolu sur le jeans, le porte-étendard parfait. Le jeans est, à la fois, le vêtement le plus porté et l’un des plus polluants à fabriquer. Ainsi 1083 fabriquera des jeans.

Le projet est semé d’embûches dans une France qui s’est désindustrialisée en masse depuis les années 80. Il faut remailler le territoire, trouver des tisseurs capables de créer une toile denim, trouver des ateliers maitrisant la technique du jean, trouver des réparateurs des machines… «tout l’écosystème, la culture industrielle, a été perdu».

Mêmes les machineries ont cessé d’être fabriquées en France. Dorénavant il faut se tourner vers les italiens, les allemands ou les japonais devenus maîtres en la matière. Justement, au-delà de la confection, 1083 en tant que «marque-fabricant-distributeur» participe aussi à la reconstruction de la filière industrielle du textile et de l’habillement, aux côtés d’autres marques comme Le Slip Français ou encore Splice, tous les trois engagés dans le projet Linpossible.

Pour la confection de leurs tous premiers jeans, 1083 fait appel à un atelier marseillais qui ne comptait plus que ses deux gérants, lesquels survivaient grâce aux prototypes que des marques françaises leur confiaient. Au plus fort de leur activité, cet atelier comptait une quinzaine de salariés.

Grâce à une campagne de financement participatif, le succès est au rendez-vous. L’activité de l’atelier de Marseille se pérennise mais elle ne permet pas de répondre à la demande. Alors 1083 se rapproche d’un second atelier à Bobigny. Comme la main d’oeuvre qualifiée manque et qu’aucune certitude ne peut être apportée (sur l’engouement généré par le retour de la fabrication française), il est préférable de développer une coopération avec les ateliers existants. 1083 se nourrit de ses partenariats et apprend le métier de façonnier de jeans.

1083 - Jeans 105
Le jeans 105 de 1083 (Crédits photo : Marques de France).

La coopération pour une croissance saine et sereine

La philosophie de 1083 prend forme : travailler ensemble pour être plus agile et plus fort. C’est le principe de «perma-industrie où on organise notre industrie en complémentarité des uns et des autres, se nourrissant mutuellement et se protégeant mutuellement, afin de créer une filière robuste». De fait chaque atelier, même ceux de 1083, travaillent pour d’autres marques, afin d’éviter tout effet boule de neige si l’un venait à défaillir.

Autre exemple, sur leur site de Romans sur Isère, ils ont investi dans une machine laser pour délaver les jeans avec le moins d’impact pour l’environnement. Or cette machine est mise à disposition à d’autres façonniers, permettant par la même occasion d’amortir les coûts d’un tel investissement.

D’ailleurs, cette flexibilité permet également d’absorber les coûts d’une main d’oeuvre française bien plus élevée que celle d’Asie. En effet, la fabrication en circuit-court, à l’échelle de la France, génère un faible temps de transports permet d’ajuster les volumes de production. Ainsi chez 1083, il n’y pas de soldes. Vous pouvez, toutefois, trouver quelques produits remisés, des prototypes ou des anciens modèles qui ont été améliorés. Parce que la marque reste à l’écoute de ses clients et se remet sans cesse en question, son innovation 2022 est la poche intérieure réparable à l’infini. Souvent malmenées par le portable et/ou le portefeuille et/ou les clés, ce sont les poches intérieures qui s’usent et se trouent le plus vite. Alors ils mettront à disposition le tissu et le patron, pour que les clients puissent faire réparer cette poche par toutes couturières expérimentées. Pas besoin de repasser par leur SAV. Pragmatique, je vous le disais !

Enfin, il n’est pas question de réinventer la poudre ou de se faire de la concurrence alors que le marché est vaste, «seuls 0,1% des jeans vendus en France sont de confection française et, plus généralement, seuls 3% des vêtements achetés en France sont fabriqués en France». Alors plutôt que de se lancer dans la fabrication de sandales, 1083 s’associe avec le sandalier romanais Max Vincent. Pour le tricotage des pulls, c’est une collaborations avec les ateliers Saint James qui prend forme. Pour le maillot de bain, 1083 signe une innovation aux côté du Slip Français.

Atelier 1083 de Romans-sur-Isère - Machine à coudre
Aperçu de l'atelier 1083 de Romans-sur-Isère (Crédits photo : Marques de France).

Le coton français sera du coton recyclé

Vous le savez sûrement, le denim est une toile composée principalement de coton, voire même 100% coton. Or les jeans 1083 sont actuellement tissés à partir de coton bio cultivé en Grèce. Pour rapatrier la matière première en France, 1083 travaille depuis 2016 à fabriquer un fil de coton 100% recyclé. Cette innovation elle l’a construite avec Tissage de France, anciennement Valrupt Industries spécialisée dans la filature et le tissage de coton.

D’ailleurs c’est une belle histoire qui lie 1083 à Valrupt Industrie. Cette dernière a été la seule à accepter l’idée un peu folle de tisser les premières toiles de denim pour 1083 en 2013. Cinq ans plus tard, c’est 1083 qui sauve Valrupt Industries alors en redressement judiciaire. Valrupts Industries représentait plus des deux tiers de production de denim, alors que 1083 représentait seulement 5% du CA de la filature. Pour marquer ce nouvel élan, l’usine a été rebaptisée «Tissage de France».

Pour éviter les problèmes de fibres parasites, 1083 développe un coton recyclé uniquement à partir de vieux jeans, afin de conserver les mêmes propriétés. Ce projet de devenir producteur de coton recyclé s’appelle «mon coton». Comme à son habitude, dès que le fil en coton recyclé sera opérationnel, d’autres marques pourront également s’approvisionner, car l’enjeu reste le même «consolider une filière qui se recréer». Pragmatique un jour, pragmatique toujours, si 1083 venait à disparaître, elle laisserait un héritage. Tous les ateliers partenaires, les innovations et technologies développées continueront d’exister permettant de préserver les emplois locaux.

bouton 1083
Un bouton de jeans 1083 (Crédits photo : Marques de France).

Une transparence revendiquée

Depuis sa création, 1083 affiche ses valeurs de fabriquer des jeans filés, teints, tissés, ennoblis et confectionnés dans l’Hexagone. Pour un jean 1083, c’est 97% de son prix de revient qui est acquis en France. 

Communiquer, c’est bien ! Le faire vérifier, c’est encore mieux ! C’est pourquoi 1083 a choisi d’obtenir la certification Origine France Garantie pour tous ses articles (jeans, baskets, pulls…). Le référentiel, pour le secteur du textile, en plus d’exiger 50% du prix de revient unitaire acquis en France, demande que d’autres étapes soient réalisées en France.

Sa notoriété, elle l’a acquise avec le temps et une marge au plus juste pour continuer à grandir sans dépenser des sommes folles en marketing. Aucune égérie connue ne fait la promotion des jeans et des produits 1083. La notoriété s’est construite avec le temps, grâce à la qualité des produits et avec l’aide des médias qui suivent l’aventure 1083. Le bouche à oreille fait son oeuvre, les consommateurs deviennent défenseur de la marque et du made in France.

Il y a 10 ans, c’était une incongruité, aujourd’hui la réindustrialisation dans le secteur de la mode et du textile est une réalité.

étiquette 1083
L'étiquette des jeans 1083 explique l'origine de chaque étape de fabrication (Crédits photo : Marques de France).

Marques de France - Avatar - Élodie Lapierre

Contenu rédigé par Élodie Lapierre

Depuis plus de 10 ans, je suis chargée d’études en santé environnementale. J'ai toujours à coeur d’informer et sensibiliser les individus, afin qu’ils soient des consommateurs avertis et aguerris.Le site Marques de France est géré en toute indépendance et n’appartient à aucune entreprise privée. Toutes les recherches effectuées et tous les contenus rédigés répondent à un unique objectif : promouvoir les marques qui contribuent à l'économie française.

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