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Analyses Décryptages

Cuir végétal et cuir vegan : qu’est-ce que c’est ?

Dans une industrie du textile où les marques éthiques et/ou éco-responsables veulent se différencier des marques de fast-fashion, on use et abuse des termes "cuir végétal" et "cuir vegan". Concrètement de quoi parle-t-on ?

pinatex tons carmin 1
Par Élodie Lapierre. Publié le 17 juin 2021. Dernières modifications le 20 février 2025. 7 commentaires.

Le cuir, le cuir végétal et le cuir vegan : quelles différences et quelles significations ?

L’emploi du mot « cuir » est encadré par la législation française. Il ne peut désigner qu’une peau animale, ainsi le cuir vegan n’existe pas, c’est même un oxymore (cuir = origine animale ; vegan = origine végétale).

La définition du cuir est donnée par l’article 2, du décret n°2010-29 du 8 janvier 2010 portant application de l’article L. 214-1 du code de la consommation à certains produits en cuir et à certains produits similaires :

I. ― L’utilisation du mot « cuir », à titre principal ou de racine ou sous forme d’adjectif, quelle que soit la langue utilisée, est interdite dans la désignation de toute autre matière que celle obtenue de la peau animale au moyen d’un tannage ou d’une imprégnation conservant la forme naturelle des fibres de la peau.

L’obtention d’une matière qui ressemble à du cuir, mais qui n’est pas d’origine animale ne peut pas, en France et au sein de l’Union Européenne, prétendre aux termes de “produits similaires cuir”et son raccourci “simili cuir” ou “assimilé cuir”.

Pourtant, il est courant de distinguer, notamment sur internet, les “simili cuirs synthétiques” (comme le Skaï®) des “simili cuirs végétaux” qui renvoient à l’appellation erronée de “cuir vegan”  (comme le Piñatex® à partir de fibres d’ananas, le Vegea® à partir de marc de raisin, Apple Skin® à partir de pommes). Ce sont toutes des marques déposées.

En conclusion, pour être en règle avec la loi, en France et dans l’Union Européenne, le mot “cuir” ne peut être utilisé QUE pour désigner une peau animale. Autrement on doit parler des matières textiles synthétiques d’origine pétrochimique (à partir de plastiques) ou de matières textiles d’origine naturelle (à partir d’ananas, raisin, pomme…)

Quant au cuir végétal, dans l’imaginaire collectif, il fait référence à une matière textile végétale, alors qu’en réalité, il correspond au tannage végétal du cuir.

Cuir ou matière textile d’imitation, la texture et le visuel peuvent rendre difficiles la différenciation. L’un des moyens les plus fiables pour les distinguer est de sentir le produit. Le cuir a une odeur incomparable et inimitable que vous ne retrouverez pas chez les autres matières textiles.

Pinatex Ananas Anam
Crédits photo : Pinatex Ananas Anam.

Le cuir tannage végétal plutôt que cuir végétal

Le terme « cuir végétal » renvoie à la méthode de tannage du cuir. Un cuir végétal correspond à un tannage végétal, on doit donc parler de « cuir tannage végétal » pour être précis et en accord avec la loi.

Le tannage est un procédé indispensable qui consiste à traiter les peaux animales afin de les rendre souples et imputrescibles. C’est l’étape de tannage qui transforme la peau animale en cuir. Il existe deux méthodes de tannage :

Le tannage minéral à base de sulfate de chrome (chrome III). En raison de la toxicité du chrome, aussi bien pour l’environnement que pour la santé humaine, il est préférable de s’orienter vers des cuirs européens, car la règlementation est plus contraignante et assure un impact limité sur l’environnement et maîtrisé pour les travailleurs de tannerie.

Le tannage végétal à base de tannins présents dans les écorces, les feuilles et les racines de chêne, d’acacia, de mimosa… Le tannage végétal, plus vertueux pour les hommes et l’environnement, offre une moins bonne élasticité au cuir et le protège moins bien du soleil et des intempéries que son alternative minérale au chrome.

Étant donné que nous sommes dans la sémantique, selon le type de peaux tannées, les professionnels sont soit des tanneurs, lorsqu’ils traitent de grandes peaux (vaches, veaux, chevaux), soit des mégissiers pour les plus petites (agneaux, moutons, chèvre). Les peaux animales proviennent principalement de la filière agroalimentaire, lesquelles sont triées selon leur qualité. Les peaux exotiques (crocodiles, serpents…) peuvent provenir d’élevages dédiés à la transformation en cuir ou de chasses illégales.

Les matières textiles imitant le cuir

Face à la prise de conscience générale concernant les pollutions générées par l’industrie textile, y compris celle du cuir avec le chrome, et la souffrance animale mise à jour dans certains abattoirs, les matières textiles imitant le cuir sont présentées comme une alternative éco-responsable pour l’environnement et luttant contre la maltraitance animale. Bien qu’on est vu que le terme “cuir vegan” était incorrect et même illégale, il faut lui préférer le terme de matière textile synthétique d’origine végétale. Mais le “simili cuir végétal” ou “cuir vegan” sont encore très utilisés en marketing surtout dans les autres pays non soumis à notre règlementation.

Concrètement les matières textiles synthétiques d’origine végétale, à ne pas confondre avec les matières textiles synthétiques d’origine pétrochimique (polyuréthane ou PVC), utilisent des matières végétales, principalement des fruits, dont leur transformation chimique aboutit à une matière visuellement similaire à du cuir.

Actuellement, les matières textiles synthétiques d’origine végétale disponibles sur le marché sont  :

  • Piñatex® de l’entreprise espagnole Ananas Anam. Le simili est fabriqué à partir des feuilles d’ananas, issues des déchets de la récolte d’ananas. Aucun ananas n’est cultivé pour la production de cette matière, ce qui en fait une matière intéressante d’un point de vue écologique.
  • Muskin® de l’entreprise italienne Grado Zero Espace. Il provient d’un champignon, Phellinus ellipsoideus, qui colonise les arbres des forêts tropicales. Son aspect duveteux imite les caractéristiques du velours.
  • Vegea® de l’entreprise italienne Vegea Company, créé à partir de marc de raisin, un déchet de la culture vinicole et oléicole. Une fois le marc de raisin réduit en poudre un polymère (polyuréthane) est ajouté pour lier l’ensemble.
  • Apple Skin® de l’entreprise italienne Frumat, où la pommes est également issue des déchets de la filière agroalimentaire. Les fibres végétales (celluloses) sont mélangées à un polymère (polyuréthane) afin d’obtenir ce simili si particulier.

Attention, ces matières textiles d’origine végétale ne signifie pas 100% végétal ni sans impact pour l’environnement. Pour aboutir à une matière souple, se rapprochant du cuir, d’autres substances chimiques de synthèse sont ajoutées. La Frumat & Vegea Company indique utiliser du polyuréthane (matière plastique issue de la pétrochimie), mais nous n’avons pas accès à l’ensemble des éléments chimiques entrant dans la composition des « recettes ». Ces matières sont protégées par des brevets et la composition est gardée confidentielle. De plus, que ce soit le champignon poussant dans les forêts tropicales ou les ananas, la distance entre leur origine de production, les sites de transformation et les ateliers de confection va avoir un bilan carbone plus ou moins impactant.

Est-ce qu'une marque se prônant éthique et/ou éco-responsable peut utiliser du cuir ?

Cuir ou matière textile d’imitation, le débat déchaîne les passions exactement comme les flexitariens VS les vegans.

Le premier argument en faveur du cuir est de dire : « tant qu’il y aura des consommateurs de viande, de poissons, de lait, de beurre, de fromages et yaourts, il y aura des peaux animales à recycler ». Le contre-argument est que la production de cuir encourage la pérennisation de l’élevage d’animaux pour la viande, le lait… Le contre-contre-argument est qu’il est possible de se fournir chez des éleveurs et des abattoirs, notamment mobiles, qui respectent les animaux. Le contre-contre-contre-argument est que le simple fait d’élever un animal pour l’abattre est un acte de cruauté. Le contre-contre-contre-contre-argument est que l’Homme est, depuis la nuit des temps, un chasseur cueilleur et que même sédentaire, il s’est mis à pratiquer l’élevage et que les vaches actuelles n’ont plus rien de sauvage et ne pourraient survivre sans l’intervention humaine. Le contre-contre-contre-contre-contre-argument…. Bref, vous l’aurez compris, le sujet est un puit sans fond et il est souvent impossible d’en discuter sereinement !

Le deuxième argument en faveur de l’utilisation de cuir par les marques dites éthiques et/ou éco-responsables est d’indiquer privilégier le cuir avec un tannage végétal au cuir avec un tannage minéral. Adieu le sulfate de chrome et bonjour les tannins naturels moins polluants. Le contre-argument est que le tannage végétal pollue, certes moins, mais il pollue quand même. De toute façon, quelque soit l’activité humaine, elle pollue. Exactement comme l’énergie propre est celle que l’on ne produit pas, le vêtement propre est celui qu’on ne confectionne pas et la matière textile propre est celle qu’on ne fabrique pas.

Les deux seules recommandations que nous pouvons faire, au regard des amateurs de cuir, est de privilégier les cuirs provenant d’élevages et de tanneries de l’Union Européenne. En effet, même s’il y aura toujours des dérives, ces activités sont davantage encadrées au sein de l’UE que dans le reste du monde. La deuxième recommandation est de bannir les cuirs exotiques, car les filières d’approvisionnement manquent cruellement de transparence et de traçabilité. De plus, il n’est pas exclu que les cuirs exotiques concernent des espèces animales menacées.

atelier de confection de baskets Jules et Jenn
La fabrication de baskets Jules et Jenn à Cholet (crédits photos : JULES & JENN).

Pour résumer

Le cuir vegan
Ce terme est incorrect et illégal. Un cuir, par définition, ne peut être qu’animal. Le terme approprié est : matière textile synthétique d’origine végétale.

Le cuir végétal
Le cuir végétal est également un terme erroné, il renvoie au type de tannage réalisé. Un tannage végétal donne un cuir au tannage végétal (le deuxième type de traitement possible est le tannage minéral, à base de sulfate de chrome).


Marques de France - Avatar - Élodie Lapierre

Contenu rédigé par Élodie Lapierre

Depuis plus de 15 ans, après des études en toxicologie et santé environnementale, j'ai toujours à coeur d’informer et sensibiliser les individus, afin qu’ils soient des consommateurs avertis et aguerris.Le site Marques de France est géré en toute indépendance et n’appartient à aucune entreprise privée. Toutes les recherches effectuées et tous les contenus rédigés répondent à un unique objectif : promouvoir les marques qui contribuent à l'économie française et permettent de limiter notre impact environnemental.

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7 commentaires

  1. Bruno dit :

    Les cuirs exotique type crocodiles sont forcément issus d’élevage, donc sans attaqué d’espèces menacées. En effet, chaque peau est vendue avec toute sa tracabilite, attestations de ventes successives et document de douane dans le cadre de la procédure CITES de la convention de Washington.

    Pour le bilan carbone des matières vegan, le centre technique du cuir à réalisé une étude au carbone 14 montrant que ces matières utilisaient largement du carbone fossile… bien loin de l’image qu’ils entendent montrer. La seule qui pourrait sortir du lot est un matière à base de maïs.

  2. Christine dit :

    Merci pour ces informations très intéressantes. Il faut peut-être rajouter les innovations françaises autour des peaux de poissons…

    1. Emmanuel Montecer dit :

      Merci Christine !

      On a tourné un reportage à l’hiver dernier chez Nodie’s, un fabricant de sacs qui utilise des peaux de poisson. Tine (la créatrice) explique même ici ses différences avec la peau de veau et ses atouts : https://www.marques-de-france.fr/ce-que-vous-ignorez-peut-etre-sur-la-maroquinerie/

  3. Pénélope dit :

    Article très intéressant. Merci. Pénélope

  4. Morey Nadège dit :

    Bonjour,
    Y a t’il des formations et si oui dans quelles régions ?
    Merci d’avance

  5. Elodie dit :

    Execellent article! Merci pour ces précisions éclairées. On comprend qu’en matière éthique et responsable, peu importe le produit, rien n’est tout blanc ou tout noir…

  6. Marie Lecole dit :

    Merci pour cet article très intéressant !

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