« Le made in France n’est pas encore assez accessible en 2023 » : Bruno Anot, patron du Petit Français du Sud
Ils sont de plus en plus nombreux sur le territoire français à vouloir se lancer dans le made in France. Particulier ou professionnel, le fabriqué en France revient petit à petit sur le devant de la scène. Mais pour Bruno Anot, le patron du Petit Français du Sud, le made in France n’est pas encore assez accessible.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour ne pas vous lancer complètement dans le made in France ?
« Premièrement, il faut savoir que lorsque j’ai lancé la marque Le Petit Français du Sud, je souhaitais faire du made in France. Mais la réalité m’a très vite rattrapée, et aujourd’hui je peux proposer seulement environ 30% de produits made in France dans ma boutique. Le fabriqué en France rencontre beaucoup trop de problèmes pour être rentable.
Typiquement, les délais de livraison sont beaucoup trop grands. Avec la marque Le Petit Français du Sud, on avait souhaité lancer une collection de chaussettes made in France, mais les ateliers nous proposaient au minimum six mois de délai. C’est énorme et pas assez intéressant pour nous d’attendre aussi longtemps. Niveau financement, il y a aussi des problèmes puisqu’à la différence des sites de productions asiatiques ou européens, en France, il faut payer avant de passer la commande. Et pas lors de la livraison. »
Pour vous d’où proviennent les problèmes du made in France que Le Petit Français du Sud a pu rencontrer ?
« Dans notre pays, l’outil industriel s’est détruit petit à petit après les guerres du XXe siècle. On voit de moins en moins de personnes partir se former dans des ateliers, et en général, les sites de production ne possèdent plus les meilleures machines de production pour fabriquer en quantité et rapidement. Tout cela me désole puisque la France a le potentiel pour faire face à la concurrence. Mais énormément de sites sont obligés de fermer par manque de personnel ou de commande, et ça dans tous les domaines. Les Français sont encore très dépendants de l’Asie aujourd’hui. »
Pour vous quelles sont les limites du made in France ?
« Le prix. Le fabriqué en France coûte trop cher pour les professionnels et les clients. On est dans un cercle vicieux. Typiquement, si avec Le Petit Français du Sud on veut produire français, nous allons devoir payer des frais beaucoup plus chers, et nous serons obligés de monter les prix dans nos boutiques pour être rentables. Avec le made in France on ne peut pas s’aligner sur des prix compétitifs sans perdre de l’argent.
En plus de l’autre côté de la barrière, chez les clients, tout le monde souhaite consommer made in France, jusqu’au moment où ces derniers voient le prix sur l’étiquette. »
Pensez-vous que le made in France revient au-devant de la scène ?
« Évidemment que le made in France revient petit à petit. Depuis tout à l’heure je donne tous les défauts et les difficultés du made in France. Pourtant depuis le covid et la guerre en Ukraine, il y a eu un déclic, on s’est rendu compte que le pays n’est plus autonome. Cette prise de conscience a lancé un réel travail à long terme où le but est clairement de s’améliorer. Des petits ateliers sont en train d’être repris ou créés sur tout le territoire français et des salons comme celui de Lyon et de Paris sont organisés pour parler du made in France.
De plus, on le sait tous, le made in France est synonyme de qualité, on est rarement deçu à l’achat.
Ensuite, tous les problèmes écologiques et ethniques sont clairement bénéfiques pour le fabriqué en France. Les commerçants sont aujourd’hui récompensés lorsqu’ils utilisent des circuits courts. Depuis une dizaine d’années, il existe même plusieurs labels qui viennent récompenser certaines entreprises. Tout cela montre qu’on avance dans le bon sens.
Attention, il reste encore beaucoup de travail malgré tout. Ce n’est pas normal aujourd’hui qu’on nous demande de faire du made in France, mais que la Mascotte des JO de Paris soit fabriquée en Chine. »
Contenu rédigé par Baptiste Chuzeville
Fraichement diplômé d’un bachelor Journalisme au sein de l’ISCPA de Lyon, qu’il avait terminé par un stage de 5 mois au sein de notre rédaction, Baptiste s’est dirigé vers un master à l’ISFJ Lyon. Aujourd’hui alternant, il alimente la page magazine du site.