Cuir végétal et cuir vegan : qu’est-ce que c’est ?
Dans une industrie du textile où les marques éthiques et/ou éco-responsables veulent se différencier des marques de fast-fashion, on use et abuse des termes "cuir végétal" et "cuir vegan". Concrètement de quoi parle-t-on ?

Le cuir, le cuir végétal et le cuir vegan : quelles différences et quelles significations ?
L’emploi du mot « cuir » est encadré par la législation française. Il ne peut désigner qu’une peau animale, ainsi le cuir vegan n’existe pas, c’est même un oxymore (cuir = origine animale ; vegan = origine végétale).
La définition du cuir est donnée par l’article 2, du décret n°2010-29 du 8 janvier 2010 portant application de l’article L. 214-1 du code de la consommation à certains produits en cuir et à certains produits similaires :
I. ― L’utilisation du mot « cuir », à titre principal ou de racine ou sous forme d’adjectif, quelle que soit la langue utilisée, est interdite dans la désignation de toute autre matière que celle obtenue de la peau animale au moyen d’un tannage ou d’une imprégnation conservant la forme naturelle des fibres de la peau.
L’obtention d’une matière qui ressemble à du cuir, mais qui n’est pas d’origine animale ne peut prétendre qu’aux termes de « produits similaires cuir« et son raccourci « simili cuir » ou « assimilé cuir« .
Dans les produits en simili cuir, on distingue deux familles :
- les simili cuirs synthétiques : des imitations en polyuréthane, comme le Skaï® (marque déposée) ou en polychlorure de vinyle (PVC) ;
- les simili cuirs végétaux qui renvoient à l’appellation erronée de « cuir vegan » : Piñatex® (à partir de fibres d’ananas), Vegea® (marc de raisin), Apple Skin® (à partir de pommes)… Ce sont toutes des marques déposées.
Le cuir végétal, dans l’imaginaire collectif, fait référence au simili cuir végétal (« cuir vegan ») alors qu’en réalité, il correspond au tannage végétal du cuir véritable.
Véritable cuir ou simili cuir, la texture et le visuel peuvent rendre difficiles la différenciation. L’un des moyens les plus fiables pour les distinguer est de sentir le produit. Le cuir véritable a une odeur incomparable et inimitable que vous ne retrouverez pas chez les simili-cuirs.

Le cuir tannage végétal plutôt que cuir végétal
Le terme « cuir végétal » renvoie à la méthode de tannage du cuir. Un cuir végétal correspond à un tannage végétal, on devrait donc parler de « cuir tannage végétal » pour être précis.
Le tannage est un procédé indispensable qui consiste à traiter les peaux animales afin de les rendre souples et imputrescibles. C’est l’étape de tannage qui transforme la peau animale en cuir. Il existe deux méthodes de tannage :
Le tannage minéral à base de sulfate de chrome (chrome III). En raison de la toxicité du chrome, aussi bien pour l’environnement que pour la santé humaine, il est préférable de s’orienter vers des cuirs européens, car la règlementation est plus contraignante et assure un impact limité sur l’environnement et maîtrisé pour les travailleurs de tannerie.
Le tannage végétal à base de tannins présents dans les écorces, les feuilles et les racines de chêne, d’acacia, de mimosa… Le tannage végétal, plus vertueux pour les hommes et l’environnement, offre une moins bonne élasticité au cuir et le protège moins bien du soleil et des intempéries que son alternative minérale au chrome.
Étant donné que nous sommes dans la sémantique, selon le type de peaux tannées, les professionnels sont soit des tanneurs, lorsqu’ils traitent de grandes peaux (vaches, veaux, chevaux), soit des mégissiers pour les plus petites (agneaux, moutons, chèvre). Les peaux animales proviennent principalement de la filière agroalimentaire, lesquelles sont triées selon leur qualité. Les peaux exotiques (crocodiles, serpents…) peuvent provenir d’élevages dédiés à la transformation en cuir ou de chasses illégales.
Le simili cuir végétal plutôt que cuir vegan
Face à la prise de conscience générale concernant les pollutions générées par l’industrie textile, y compris celle du cuir avec le chrome, et la souffrance animale mise à jour dans certains abattoirs, le « cuir vegan » est présenté comme une alternative éco-responsable pour l’environnement et luttant contre la maltraitance animale. Bien qu’on est vu que le terme « cuir vegan » était incorrect et qu’il faut lui préférer « simili cuir végétal », ce terme est encore très utilisé en marketing.
Concrètement les simili cuir végétaux, à ne pas confondre avec les simili cuirs synthétiques (polyuréthane ou PVC), utilisent des matières végétales, principalement des fruits, dont leur transformation chimique aboutit à une matière visuellement similaire à du cuir.
Actuellement, les alternatives au cuir véritable disponibles sur le marché sont :
- Piñatex® de l’entreprise espagnole Ananas Anam. Le simili cuir est fabriqué à partir des feuilles d’ananas, issues des déchets de la récolte d’ananas. Aucun ananas n’est cultivé pour la production de ce simili cuir, ce qui en fait une matière intéressante d’un point de vue écologique.
- Muskin® de l’entreprise italienne Grado Zero Espace. Il provient d’un champignon, Phellinus ellipsoideus, qui colonise les arbres des forêts tropicales. Son simili cuir imite l’aspect duveteux caractéristique du velours.
- Vegea® de l’entreprise italienne Vegea Company, créé à partir de marc de raisin, un déchet de la culture vinicole et oléicole. Une fois le marc de raisin réduit en poudre un polymère (polyuréthane) est ajouté pour lier l’ensemble.
- Apple Skin® de l’entreprise italienne Frumat, un simili cuir végétal de pommes également issues des déchets de la filière agroalimentaire. Les fibres végétales (celluloses) sont mélangées à un polymère (polyuréthane) afin d’obtenir ce simili si particulier.
Attention, simili cuir végétal ne signifie pas 100% végétal ni sans impact pour l’environnement. Pour aboutir à une matière souple, se rapprochant du cuir, d’autres substances chimiques de synthèse sont ajoutées. La Frumat & Vegea Company indique utiliser du polyuréthane (matière plastique issue de la pétrochimie), mais nous n’avons pas accès à l’ensemble des éléments chimiques entrant dans la composition des « recettes ». Ces simili cuirs sont protégés par des brevets et la composition est gardée confidentielle. De plus, que ce soit le champignon poussant dans les forêts tropicales ou les ananas, la distance entre leur origine de production, les sites de transformation et les ateliers de confection va avoir un bilan carbone plus ou moins impactant.
Est-ce qu'une marque se prônant éthique et/ou éco-responsable peut utiliser du cuir véritable ?
Cuir ou simili, le débat déchaîne les passions exactement comme les flexitariens VS les vegans.
Le premier argument en faveur du cuir (véritable) est de dire : « tant qu’il y aura des consommateurs de viande, de lait, de beurre, de fromages et yaourts, il y aura des peaux animales à recycler ». Le contre-argument est que la production de cuir encourage la pérennisation de l’élevage d’animaux pour la viande, le lait… Le contre-contre-argument est qu’il est possible de se fournir chez des éleveurs et des abattoirs, notamment mobiles, qui respectent les animaux. Le contre-contre-contre-argument est que le simple fait d’élever un animal pour l’abattre est un acte de cruauté. Le contre-contre-contre-contre-argument est que l’Homme est, depuis la nuit des temps, un chasseur cueilleur et que même sédentaire, il s’est mis à pratiquer l’élevage et que les vaches actuelles n’ont plus rien de sauvage et ne pourraient survivre sans l’intervention humaine. Le contre-contre-contre-contre-contre-argument…. Bref, vous l’aurez compris, le sujet est un puit sans fond et il est souvent impossible d’en discuter sereinement !
Le deuxième argument en faveur de l’utilisation de cuir par les marques dites éthiques et/ou éco-responsables est d’indiquer privilégier le cuir végétal au cuir minéral. Adieu le sulfate de chrome et bonjour les tannins naturels moins polluants. Le contre-argument est que le tannage végétal pollue, certes moins, mais il pollue quand même. Le contre-contre-argument est que la transformation de déchets végétaux en simili cuir végétal génère aussi des pollutions. De toute façon, quelque soit l’activité humaine, elle pollue. Exactement comme l’énergie propre est celle que l’on ne produit pas, le vêtement propre est celui qu’on ne confectionne pas et le simili cuir propre est celui qu’on ne fabrique pas.
Les deux seules recommandations que nous pouvons faire, au regard des amateurs de cuir, est de privilégier les cuirs provenant d’élevages et de tanneries de l’Union Européenne. En effet, même s’il y aura toujours des dérives, ces activités sont davantage encadrées au sein de l’UE que dans le reste du monde. La deuxième recommandation est de bannir les cuirs exotiques, car les filières d’approvisionnement manquent cruellement de transparence et de traçabilité. De plus, il n’est pas exclu que les cuirs exotiques concernent des espèces animales menacées.

Pour résumer
Le cuir vegan
Ce terme est incorrect. Un cuir, par définition, ne peut pas être vegan car il est forcément d’origine animale. Le terme approprié est : simili cuir vegan ou simili cuir végétal.
Le cuir végétal
Le cuir végétal renvoie au type de tannage réalisé. Un tannage végétal donne un cuir végétal (le deuxième type de traitement possible est le tannage minéral, à base de sulfate de chrome).

Contenu rédigé par Élodie Lapierre
Depuis plus de 10 ans, je suis chargée d’études en santé environnementale. J'ai toujours à coeur d’informer et sensibiliser les individus, afin qu’ils soient des consommateurs avertis et aguerris.Le site Marques de France est géré en toute indépendance et n’appartient à aucune entreprise privée. Toutes les recherches effectuées et tous les contenus rédigés répondent à un unique objectif : promouvoir les marques qui contribuent à l’économie du pays.
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Article très intéressant. Merci. Pénélope
Bonjour,
Y a t’il des formations et si oui dans quelles régions ?
Merci d’avance
Execellent article! Merci pour ces précisions éclairées. On comprend qu’en matière éthique et responsable, peu importe le produit, rien n’est tout blanc ou tout noir…
Merci pour cet article très intéressant !